2012 la fin du monde selon les mayas une rumeur sans fondement annonce

 

2012

La fin du monde selon les Mayas,

Une rumeur sans fondement

 

 

 

André SEGURA

       

 


 

Première édition

A.      SEGURA, éditeur

segura.epig@free.fr

http://andre.segura1.free.fr/index.htm

 

 

ISBN : 978-2-9526532-4-4

 

 

© A. SEGURA, décembre 2010

 

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Illustration de couverture

Face Nord et Côté Ouest, vue partielle, Stèle E, Quiriguá, Guatemala (AS)

 

 

La présente étude est le premier volet d’un diptyque tentant de répondre à la question : les Mayas ont-ils prédit la fin du monde pour le 21 décembre 2012 ?

 

Cette question en contient deux.

 

Entrait-il dans les conceptions cosmogoniques des Mayas préhispaniques de considérer la fin du Grand Cycle dans lequel ils vivaient comme une fin du monde ? La réponse à cette première question a fourni la matière du présent ouvrage

 

La date de cette fin de Grand Cycle s’écrivait, dans le cadre des calendriers mayas, 13.0.0.0.0 4 Ahau 3 Kankín. Les hypothèses qui sous-tendent sa transposition au 21 décembre 2012 sont-elles contestables ? C’est la réponse à cette seconde question qui est développée dans un autre opuscule intitulé Calendrier maya et calendrier grégorien. Cette transposition, largement acceptée dans le milieu des mayanistes, relève d’une grille de correspondances entre dates mayas et grégoriennes connue sous le nom de « corrélation GMT ». La critique des hypothèses qui servent de substrat à ladite corrélation provoque une retro-translation de la date de fin de cycle/fin du monde en direction du début du 20ème siècle tout en remettant en cause l’hypothèse de l’unicité de la grille.

 

 

 


TABLE  DES  MATIERES

 

 

 


P.

 

 

INTRODUCTION

6

 

 

 

 

CHAPITRE 1

17

La géographie et l'histoire

 

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CHAPITRE 2

31

Le roi intercesseur

 

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CHAPITRE 3

53

Le roi androgyne

 

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CHAPITRE 4

63

Le roi prédateur

 

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CHAPITRE 5

77

Le royaume et la cité

 

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CHAPITRE 6

87

Les fonctions de la cité

 

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CHAPITRE 7

105

La cité, le temps et l'histoire

 

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CHAPITRE 8

125

La fin de la civilisation maya classique

 

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CHAPITRE 9

143

Cosmogonie et autres mythes

 

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CHAPITRE 10

161

Le temps enregistré

 

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CHAPITRE 11

179

Les Mayas, inventeurs ?

 

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CHAPITRE 12

199

Le creuset du compte long

 

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CHAPITRE 13

215

Skyraiser ou la naissance du compte long

 

http://andre.segura1.free.fr/chap13.pdf

 

 

 

CONCLUSION

231

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BIBLIOGRAPHIE

233

http://andre.segura1.free.fr/ebiblio.pdf

 

 

 

TABLE DES ILLUSTRATIONS

239

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TABLE DES MATIÈRES

247

 

 

 

 

 

 

 

 

 

INTRODUCTION

 

 

 

 

 

La rumeur court : les Mayas ont prédit que la fin du monde surviendrait avec le  solstice d’hiver 2012 portant la date maya 13.0.0.0.0 4 Ahau 3 Kankín.

 

Une remarque liminaire doit être faite bien que non décisive du point de vue de la remise en cause de l’existence de cette prophétie. Aucun des trois codex (1) qui ont survécu à la fureur destructrice de l’espagnol et à l’humidité ambiante ne contient de prédiction à propos de cette date. Bien sûr des codex détruits ont pu en contenir. Irait dans le sens de cette modulation le fait que cette date a été retrouvée sur un monument (dans l’état actuel de nos connaissances), le Monument 6 de Tortuguero. Malheureusement, l’état de conservation du monument ne permet pas de lire le texte accompagnant cette date; il pourrait décrire des faits qui pourraient survenir lors de ce solstice. Mais n’est-il pas étonnant qu’un évènement de cette importance n’ait été mentionné que sur un seul monument ?

 

(1) Un codex est un livre écrit par les Mayas de l’époque préhispanique. Il n’en subsiste que trois portant le nom des villes dans lesquels ils se trouvent : le Codex de Paris, le Codex de Madrid, le Codex de Dresde. L’authenticité d’un quatrième codex, le  Codex Grolier, est discutée.

 

Cette étonnante discrétion des scribes mayas vient de ce que cette rumeur est dénuée de fondement dans ses deux composantes.

Première composante : le monde connaîtrait sa fin le 13.0.0.0.0 4 Ahau 3 Kankín.

Contrairement à ce que soutient la thèse contemporaine dominante, selon le calendrier maya le 13.0.0.0.0 4 Ahau 3 Kankín aurait été la date du premier kin (2) du 46ème grand cycle de la première grande ère du 4ème Age de l’Univers (3). Et à propos de ce premier kin, les scribes mayas n’ont pas fait de prédiction mais une annonce comme celle qui pourrait l’être dans le cadre calendrier grégorien : la prochaine année commencera le dimanche 1er janvier 2012.

 

(2) Un kin commence avec le lever de soleil et s’achève avec son coucher.

(3) Un grand cycle est composé de 1 872 000 kins. 73 grands cycles composent une grande ère (Segura 2010 a, b : Chapitre 12, Note 7)

 

L’indice de ce qu’il  ne s’agissait pas de la prédiction d’un évènement d’apocalyptique est donné par une inscription de Palenque (Chiapas, México).

Les panneaux des fonds des trois temples du Groupe de la Croix de Palenque (Chapitres 2, 3 et 4) rapportent les naissances du Premier Père, de la Première Mère et de leurs descendants,  GI, GII et GIII. Les deux premiers seraient nés respectivement le 12.19.11.13.0 1 Ahau 8 Muwaan (16 juin 3122 av. J-C, GMT)(4) et le 12.19.13.4.0 8 Ahau 18 Tzec (7 décembre 3121 av. J-C, GMT), deux dates antérieures au 13.0.0.0.0 4 Ahau 8 Cumkú, qui était celle du premier kin du grand cycle en cours (11 août 3114 av. J-C, GMT). Quant à GI, GIII et GII, ils sont censés être nés respectivement les 1.18.5.3.2  9 Ik 15 Ceh (21 octobre 2360 av. J-C, GMT), 1.18.5.3.6 13 Cimi 19 Ceh (25 octobre 2360 av. J-C) et 1.18.5.4.0 13 Ahau 13 Mac (8 novembre 2360 av. J-C). Le Premier père et la Première Mère seraient donc nés vers la fin du grand cycle précédant celui de la naissance de leurs descendants, qui aurait commencé en août 3114 av. J-C et devrait se terminer avec le solstice d’hiver 2012.

 

(4) Les trois lettres GMT sont les initiales des inventeurs de la corrélation entre calendriers maya et grégorien.

 

 Or, dans aucun des temples de Palenque un évènement de type cataclysmique n’est rapporté entre la naissance du Premier Père et de la Première Mère, d’une part, et celles de, GI, GIII et GII, d’autre part, alors que la date du 13.0.0.0.0 4 Ahau 8 Cumkú est évoquée sur le panneau du Temple de la Croix.

Deux raisons permettent d’avancer que les Mayas n’ont pas pu envisager que la fin du monde puisse survenir le 13.0.0.0.0 4 Ahau 8 Kankín.

La première raison réside dans la croyance rapportée par le Popol Vuh, le livre sacré des Mayas quichés. L’âge dans lequel nous vivons est le Quatrième Âge de l’Univers. Les trois premiers âges avaient été anéantis par des cataclysmes. Le Quatrième Âge n’était pas promis à ce destin parce qu’il fut peuplé d’hommes véritables, pétris de maïs. Par contre, la loi du cycle régissant  toute chose en ce Quatrième Âge, l’histoire de l’homme de maïs serait rythmée par la succession de grands cycles d’une durée de 13 baktuns (1 872 000 kins); tous les 13 baktuns un nouveau grand cycle recommencerait, l’histoire de l’humanité se reproduirait; il était donc essentiel de conserver la mémoire des dates auxquelles survenaient des évènements marquants; différents supports furent utilisés à cette fin (Chapitre 7).

La seconde raison est qu’une date en 13.0.0.0.0 était la date du premier kin et non du dernier kin d’un grand cycle. Si, à la rigueur, il eut été envisageable qu’une fin du monde se produisît en fin de cycle, il eut été plus difficile de soutenir que les Mayas prévoyaient qu’elle aurait lieu au cours du kin avec lequel commençait un nouveau grand cycle de l’humanité.

 

Cette seconde raison ne peut être invoquée que dans le cadre d’une rupture avec la thèse contemporaine dominante pour qui une date en 13.0.0.0.0 correspondait à la fois à la fin d’un grand cycle et au commencement du grand cycle suivant.

Cette interprétation de ce type de date est en accord avec le principe de continuité en vigueur dans le cadre du calendrier grégorien, principe selon lequel le 31 décembre à minuit est aussi le 1er janvier à 0h, autrement dit la fin d’année est aussi le début de l’année suivante. Elle fait litière de la notion maya de période intermédiaire séparant deux kins successifs donc deux grands cycles successifs. Le 13.0.0.0.0 ne peut donc pas être la date de la fin d’un grand cycle et celle du début du grand cycle suivant ; la logique commande d’y voir la date de début.

Cette remise en cause de la thèse contemporaine dominante par  la notion de période intermédiaire, qui plonge ses racines dans la cosmogonie maya telle qu’elle est exposée dans le Popol  Vuh, permet de concevoir une modalité originale de résorption du décalage induit par la différence entre l’année maya de 365 kins (haab) et l’année solaire tropique d’une durée de 365,24 jours, connue des Mayas (Chapitre 7). Cette modalité consistait à suspendre l’enregistrement du temps pendant cinq kins entre deux katuns (5). Cette modalité est radicalement différente du principe de l’année bissextile qui est incompatible avec le système de calendriers maya. C’est cette incompatibilité, combinée à l’ignorance de l’existence de la notion de période intermédiaire dans l’idéologie maya, qui a amené les promoteurs de la corrélation entre calendriers maya et grégorien la plus usitée, la corrélation GMT, à postuler que les scribes ne procédaient à aucune résorption du décalage induit par la différence entre le haab et l’année solaire tropique.

 

(5) cf. Chapitre 13 §4. Un katún est une unité de temps d’une durée de 7 200 kins (Chapitre 10).

 

La corrélation GMT, construite sur la base de ce postulat, fait correspondre à la date maya 13.0.0.0.0 4 Ahau 3 Kankín la date grégorienne du 21 décembre 2012. La mise en œuvre d’une résorption périodique, sur la base de la notion de période intermédiaire, repousse la prétendue fin du monde, qui n’est en fait que le commencement d’un grand cycle, au 21 décembre 2014. C’est la remise en cause de la deuxième composante de la rumeur.

 

C’est là l’une des conclusions auxquelles ont abouti neuf années de recherches dont les résultats sont exposés dans Le Temps des Mayas (Segura 2010a et Segura 2010b). Elles sont en rupture avec la thèse contemporaine dominante, notamment sur la question de l’enregistrement du temps, marquée du sceau de l’ethnocentrisme.

L’innovation, substance de la rupture, peut être un moment du progrès d’une science ou un détour stérile.

Le premier type d’innovation constitue l’assise sur laquelle se développent de nouveaux travaux de recherche qui aboutissent à un nouvel état de consensus, sorte de cul-de-sac de la connaissance dont il ne sera possible de sortir que par une nouvelle rupture.

Un magnifique exemple de rupture-innovation de ce type est l’interprétation que donna Tatiana Proskouriakoff des stèles de Piedras Negras. Après avoir travaillé sur le terrain pendant une vingtaine d’années, T. Proskouriakoff poursuivit son activité de recherche au Peabody Museum à partir de 1958. C’est là, étudiant les photographies de stèles à niche (Fig.2.6) de Piedras Negras, elle fit une découverte révolutionnaire. Chaque monument porte la date de sa consécration. Mais, cette dernière n’est pas la seule à être inscrite sur la stèle.  Deux autres dates sont associées aux glyphes « rage de dent » et « tête de serpent ». T. Proskouriakoff finit par établir que 1°) le personnage assis dans la niche était un roi 2°) la « tête se serpent » indique qu’il s’agit de la date de naissance d’un futur roi  3°) la date d’accession au trône est celle qui est associée à « la rage de dent ». C’est ainsi qu’elle reconstitua l’histoire de sept souverains de Piedras Negras. Or, jusque là, l’opinion dominante, portée notamment par le grand mayaniste J.E.S Thompson, était que les personnages représentés sur les stèles étaient des prêtres ou des dieux et que les textes n’avaient qu’un caractère religieux. Tatiana Proskouriakoff, usant de la seule logique et de son esprit de déduction, à une époque où le déchiffrement de l’écriture maya était peu avancé, osa l’hypothèse que les personnages de ces monuments représentaient des souverains. Elle prolongea sa géniale intuition avec ses deux articles, publiés en 1963 et 1964, consacrés aux monuments de Yaxchilán.

Cette thèse, qui perdait son caractère d’hypothèse au fil des travaux, eu des répercutions à de multiples niveaux et, notamment, à celui du type de gouvernement des cités. Elle remettait en cause l’opinion, toujours incarnée par J.E.S Thompson, d’un gouvernement théocratique. Malgré des indices de rapports conflictuels entre cités (fossé et rempart de Becán, fresques et linteaux de la Structure I de Bonampak, Fig.3.7 et Fig.4.6), ce dernier défendait l’idée d’une gouvernance théocratique pacifique. Les expéditions guerrières pouvaient avoir pour objet de répondre aux besoins du culte en fournissant des victimes pour des sacrifices, au demeurant peu nombreux.

La laïcisation du pouvoir découlant de la rupture introduite par la découverte de Tatiana Proskouriakoff ouvrait la voie à une remise en cause de cette vision de la direction des entités politiques. Cette innovation majeure de Tatiana Proskouriakoff, confortée par les découvertes ultérieures, notamment dans le domaine du déchiffrement, est un constituant essentiel du consensus actuel.

Le deuxième type d’innovation, le détour stérile, peut être illustré par une intuition de S.G Morley, autre grand mayaniste, qui adopta la corrélation GMT mais ne se résignait sans doute pas à admettre que les Mayas ne cherchèrent pas à corriger le décalage résultant de la différence de durée entre haab et année solaire tropique. Pour concilier son adhésion à corrélation GMT et l’hypothèse de cette correction, il donna sa propre analyse de l’ensemble de glyphes qu’il baptisa du nom de Série Secondaire.

Très souvent les textes des monuments commencent par une date dont la forme peut varier. La forme Série Initiale (Fig.10.2 et Fig.10.3), mise en évidence par A.P Maudslay, a pour composante essentielle le Compte Long qui indiquait l’intervalle de temps séparant le kin considéré d’une date zéro, que la corrélation GMT fait correspondre au 11 août 3114 av. J-C. Un parallèle avec une date grégorienne permettra de comprendre cette notion de Compte Long. Lorsque le curseur du temps parvint au 1er février 1998, il s’était écoulé 1 millénaire, 9 siècles, 9 décennies, 7 années et 31 jours depuis la naissance du Christ, date zéro du calendrier grégorien. Ce décompte du temps écoulé au 1er février 1998 est l’équivalent du Compte Long.

S. G Morley pensait, comme les concepteurs de la corrélation GMT, que les Mayas ne prenaient pas en compte, dans leur écriture des dates (sous forme de Série Initiale), la nécessaire résorption du décalage entre haab et année solaire tropique, comme nous le faisons avec l’année bissextile. Mais il eut l’intuition que certaines des inscriptions calendaires, situées dans le cœur du texte commençant par une Série Initiale, avaient pour objet de corriger cette dernière afin de tenir compte du décalage; il dénomma Série Secondaire les nombres constitutifs de ces inscriptions.

Or, actuellement, la thèse dominante est que la Série Secondaire, rebaptisée Nombre Distance, n’est pas une correction de la date donnée par la Série Initiale mais renvoie à une date différente de cette dernière. Un exemple pris dans l’histoire de France aidera à comprendre cette notion de Nombre Distance. Imaginons un monument sur lequel aurait été gravée l’inscription suivante : « le 22 septembre 1792 la République fut instaurée en France par la Convention. Le dernier roi, Louis XVI, fut guillotiné 121 jours plus tard ». Ces 121 jours qui séparent la proclamation de la république de l’exécution du roi déchu, le 21 janvier 1793, correspondent à un Nombre Distance; 22 septembre 1792 tiendrait lieu de Série Initiale.

L’interprétation actuelle du Nombre Distance n’a absolument aucun rapport avec la lecture que faisait S.G Morley de la Série Secondaire. Du point de vue du consensus actuel, l’innovation de Morley se présente comme un détour stérile. L’espoir de l’auteur de ces lignes est que les innovations porteuses de rupture qu’il propose ne relèveront pas de la même catégorie que la notion de Série Secondaire de S.G Morley. Elles s’inscrivent dans une démarche marquée du sceau de la volonté de rompre, autant que faire se peut, avec les scories ethnocentriques qui subsistent dans l’approche dominante de la civilisation maya (Segura 2008 : Introduction).

La rupture essentielle a trait aux questions calendaires qui ne peuvent être traitées en faisant abstraction du contexte politico-idéologique qui fut le creuset d’élaboration du système de calendriers. C’est la raison pour laquelle ce contexte sera évoqué avant d’aborder la question de l’enregistrement du temps.

Le contexte, c’est d’abord l’éclatement de la zone maya entre une multitude d’entités politiques dont certaines entretenaient des rapports conflictuels (Chapitre 1) ou des rapports de dépendance (Chapitre 5). Chaque entité était centrée sur une cité-capitale dont la structure et les édifices étaient autant d’expression des croyances religieuses (Chapitre 6).

Les entités qui nous intéressent ici sont celles de la Période Classique (250-900 ap. J-C), dont l’effondrement dans les basses terres centrales et méridionales de la zone maya au dixième siècle reste une énigme, non seulement dans son déroulement historique (Chapitre 8) mais aussi du point de vue de la rumeur. Si la rumeur est fondée, comment comprendre que les prêtres mayas du Classique (Récent) aient pu prédire une fin du monde aussi éloignée de leur temps sans prévoir la fin imminente de leur monde ?

L’intérêt porté à cette période de la civilisation maya est justifié par le fait qu’elle vit fleurir des monuments, au premier rang desquels des stèles, portant des textes datés.

 Les territoires de ces entités étaient occupés par un groupe humain structuré par une hiérarchie coiffée par le K’ul Ahau, Divin Seigneur ou roi.

Comme son titre le laisse entendre, le pouvoir de ce souverain avait un fondement surnaturel (chapitres 2, 3 et 4) : dans le monde des hommes, il était l’image de Hunahpú, l’un des deux Héros Jumeaux, qui avait ouvert le Quatrième Âge en soumettant l’Univers à la loi du cycle.

La lutte que durent mener les Héros jumeaux contre les puissances du Ciel et des Enfers pour imposer cette loi, fait partie de la cosmogonie rapportée dans le Popol Vuh, livre sacré des Mayas quichés (Chapitre 9).

C’est au nom de la logique, en s’appuyant sur certaines inscriptions et sur le récit cosmogonique que la thèse dominante concernant certaines questions calendaires est ici remise en cause dans sa dimension ethnocentrique.

Le recours à l’idéologie religieuse des Mayas pour contester une thèse dominante n’est pas chose nouvelle. Dans un autre domaine, Claude-François BAUDEZ, s’appuyant sur la dimension solaire reconnue au roi, voit dans certaines des stèles à deux faces de Copán des monuments de succession. La thèse dominante soutient, par exemple, que les faces Est et Ouest de la Stèle C de Copán (Fig.13.1, Fig.13.2 et Fig.13.3) représentent Waxaklajuun Ub’aah K’awiil, respectivement, jeune souverain et souverain âgé. Contre ce point de vue dominant,  C-F BAUDEZ (Baudez 1988) défend l’idée que les figures qui regardent vers le Soleil levant et vers le couchant sont, respectivement, le nouveau souverain, Waxaklajuun Ub’aah K’awiil, 13ème souverain de Copán et commanditaire de la stèle, et son prédécesseur décédé, K’ahk’ Uti’ Witz’ K’awiil (Smoke Imix).

Par ailleurs, invoquant à l’appui de sa thèse, notamment, des données architecturales et archéologiques, C-F BAUDEZ (Baudez 2002), soutient contre le point de vue dominant que la Période Classique ignorait le concept de dieu interventionniste. Ce faisant, il reprend à son compte la position de Tatiana Proskouriakoff qui ne parvint pas à rallier l’opinion dominante sur ce point.

La démarche mise en œuvre ici n’est donc pas innovante quant à son principe mais elle l’est quant à ses champs d’application. 

L’un des points de rupture, s’appuyant sur la logique et certaines inscriptions, porte sur la lecture des Comptes Longs se terminant par trois zéros (au moins). S’agissait-il de date de fin de période ou de début de période ? La question a son importance du point de vue de la crédibilité de la rumeur. La date de la prétendue fin du monde comporte le Compte Long 13.0.0.0.0. Il est difficilement envisageable qu’une telle date soit celle de la fin du monde si elle est celle du début de la période appelée grand cycle.

Mais, l’un des points cruciaux de cette remise en cause s’appuie sur la mise en évidence de la notion de période intermédiaire dans le récit cosmogonique qui formera la matière du Chapitre 9. Cette notion permet d’envisager que les scribes mayas ont pu intercaler 5 kins intercalaires entre deux katuns pour résorber le décalage résultant de la différence de durée entre haab et année solaire tropique. Ce qui a pour effet de décaler la prétendue fin du monde du solstice d’hiver 2012 à celui de l’année 2014 (Chapitre 13).

Mais, qu’il s’agisse d’un solstice ou d’un autre, le grand cycle suivant celui dans lequel nous vivons doit commencer avec le kin 13.0.0.0.0 4 Ahau 3 Kankín. Cette manière d’écrire une date sera présentée dans le Chapitre 10. Les composants de cette date, le Compte Long (13.0.0.0.0), la référence tzolkín (4 Ahau) et la référence haab (3 Kankín), qui sont ceux de la Série Initiale, peuvent ne pas avoir été inventés par les Mayas. Les arguments du doute sont présentés dans le Chapitre 11 qui conduisent à se poser la question de savoir si les Mayas n’ont pas emprunté à une autre culture cette notion de grand cycle, et donc l’idée que  le kin 13.0.0.0.0 4 Ahau 3 Kankín serait celui d’un nouveau départ de l’histoire de l’humanité.

Il est quasiment certain que les Mayas des basses terres centrales et méridionales ont emprunté le tzolkín et le haab à la culture olmèque mais aucune certitude n’existe pour le Compte Long. Cependant, il est possible de construire un modèle de genèse du Compte Long permettant de rendre compte d’un certain nombre de faits connus. Ce modèle établit que c’est dans le cadre du Bassin de El Mirador et d’un rapport interactif avec les Olmèques que les Mayas ont élaboré des précurseurs du Compte Long (Chapitre 12) mais que ce sont des raisons politiques internes à une entité du monde maya qui ont provoqué le passage du dernier de ces précurseurs au Compte Long affiché par les monuments érigés au Classique dans les entités mayas des basses terres centrales et méridionales. Ce passage eut pour effet 1°) de fixer la durée du grand cycle à 13 baktuns ou 1 872 000 kins 2°) d’assigner au premier kin du prochain grand cycle la date du 13.0.0.0.0 4 Ahau 3 Kankín et donc à celui du grand cycle en cours la date 13.0.0.0.0 4 Ahau 8 Cumkú. Pour consolider ces innovations, une modalité de résorption du décalage (résultant de la différence de durée du haab et de l’année solaire tropique) fut mise en œuvre qui fait correspondre au 13.0.0.0.0 4 Ahau 3 Kankín la date grégorienne du solstice d’hiver 2014 (Chapitre 13).

 

 


 

 


 

André SEGURA, né en 1948, est maître de conférences des univer-sités. C’est en liaison avec l’action humani-taire qu’il anime depuis 1994 au bénéfice des communautés mayas k’ekchi du Guatemala qu’il fait des recherches sur la civilisation maya.

 

 

2012

La fin du monde selon les Mayas,

Une rumeur sans fondement

 

À l’approche de la date fatidique du 21 décembre 2012, l’auteur s’interroge sur le fondement des prédictions relatives à cette échéance qui ferait partie des croyances mayas. Cette recherche l’a amené à s’intéresser à la corrélation entre calendrier maya et grégorien la plus utilisée, la corrélation GMT. Il s’avère que ladite corrélation est construite sur l’hypothèse que les Mayas ne résorbaient pas le décalage entre leur année de 365 jours (Haab) et l’année solaire tropicale. Or, nombreux sont les indices qui poussent à considérer qu’ils procédaient à une telle résorption. Le principe de l’année bissextile étant incompatible avec leur système de calendriers, l’auteur avance l’hypothèse que, périodiquement, les Mayas suspendaient l’enregistrement du temps pendant cinq kins à la fin de chaque katún. Ce mode de résorption du décalage provoque une translation au 21 décembre 2014 de la naissance d’un nouveau monde à propos de laquelle les Mayas n’ont laissé aucun document, si ce n’est celui sculpté sur le Monument 6 de Tortuguero. Cette date, qui dans le calendrier maya s’écrivait 13.0.0.0.0 4 Ahau 3 Kankín, était le produit de l’intersection d’une conception cyclique de l’histoire tant naturelle qu’humaine et d’évènements politiques qui eurent lieu dans la cité de El Mirador à l’orée du quatrième siècle av. J-C. Ces conception et évènement ont abouti à fixer à chaque grand cycle ou monde une durée enregistrée de 1 872 000 kins. Le grand cycle en cours, ayant commencé le 11 août 3114 av. J-C, devrait céder la place à un nouveau monde le 21 décembre 2014.

La succession des mondes ou grands cycles n’était conçue que comme une manifestation de la loi du cycle qui gouvernait l’univers parvenu à son Quatrième Âge. La fin d’un monde du Quatrième Âge n’impliquait pas de destruction physique comme celles qui mirent fin aux trois premiers âges de l’univers, destructions dues à ce que ces âges étaient peuplés d’êtres ne reconnaissant pas leur créateur. L’homme du Quatrième Âge, l’homme de maïs, dont l’histoire avait traversé de nombreux grands cycles, n’avait pas à craindre l’anéantissement physique de son univers puisqu’il avait reconnu son créateur et payé sa dette à son égard en lui fournissant l’aliment.